En Guyane, la gestion des déchets prend le large : quand le fleuve Maroni inspire une solution innovante

En Guyane, et plus particulièrement dans les communes enclavées de l’Ouest, la question de la gestion des déchets est un défi logistique, environnemental et humain de longue date. En l’absence de réseau routier structuré, les déplacements — qu’il s’agisse de transport scolaire, de livraison de marchandises ou d’évacuation des ordures — dépendent presque exclusivement du fleuve Maroni. Face à l’urgence sanitaire et écologique que représentent les décharges sauvages, les élus locaux explorent aujourd’hui une piste inattendue : adapter au territoire amazonien le modèle de déchèterie fluviale expérimenté à Lyon entre 2016 et 2023.


🛶 Des déchets au fil de l’eau

Dans les communes isolées comme Maripasoula, Papaïchton, Grand-Santi ou Awala-Yalimapo, l’évacuation des déchets est entravée par le manque d’infrastructures routières. Les déchets s’accumulent, souvent à proximité des berges, faute de collecte régulière. La présidente de la Communauté de Communes de l’Ouest Guyanais (CCOG), Sophie Charles, tire la sonnette d’alarme :

"Nous avons certaines des plus grandes communes de France… sans routes. Nous n’avons que le fleuve."

Consciente de l’urgence d’agir, la CCOG multiplie les solutions de proximité : déchèteries fixes à Saint-Laurent du Maroni et Apatou, lancement en mai 2025 de la déchèterie mobile Colibri, tournée mensuelle dans les villages. Mais pour atteindre les zones les plus reculées, le fleuve pourrait devenir une solution logistique à part entière.


🚢 À Lyon, un précédent qui inspire

En avril dernier, une délégation guyanaise conduite par Sophie Charles a été reçue à Lyon à l’initiative du député martiniquais Jiovanny William, dans le cadre d’une réflexion parlementaire sur la transition écologique en Outre-mer.

À cette occasion, les élus ont découvert le projet River'Tri, déchèterie fluviale lancée sur la Saône en 2020 par la Métropole de Lyon, en partenariat avec Suez et la Compagnie Fluviale de Transport. Une barge accostait chaque semaine en centre-ville pour permettre aux habitants de déposer leurs encombrants, métaux, bois ou textiles. Les déchets étaient ensuite triés et acheminés vers les centres de traitement.

Malgré une mise en œuvre prometteuse, le dispositif a été interrompu fin 2023, freiné par son coût élevé (3.500 €/tonne), des contraintes techniques (motorisation diesel, sécurité des quais), et l’irrégularité du service lors des crues.


🔄 Vers une déchèterie fluviale 2.0, pensée pour la Guyane

Inspirée par cette expérience, l’équipe de Suez a proposé une adaptation sur mesure pour l’Ouest guyanais : des points fixes de dépôt installés le long du Maroni, sous forme de bennes sécurisées, accessibles aux habitants. Un bateau collecteur viendrait ensuite récupérer les déchets et les acheminer vers les centres de tri régionaux.

Un modèle plus simple, plus économique, et surtout adapté aux contraintes saisonnières du fleuve guyanais : navigation uniquement en saison des pluies, stockage local pendant la saison sèche.

"Il ne s’agit pas de copier un modèle, mais d’en extraire l’essence pour l’adapter à notre réalité", souligne Sophie Charles.
"Ce projet offre une réponse concrète à des enjeux locaux en s’appuyant sur nos ressources : le fleuve comme vecteur de service public."


🏛️ Une dynamique législative en soutien

Ce déplacement à Lyon nourrit également les travaux de Jiovanny William, qui prépare une proposition de loi visant à adapter le cahier des charges des éco-organismes aux réalités des territoires ultramarins.

"Nous devons intégrer les contraintes géographiques, climatiques et structurelles des Outre-mer dans les politiques de transition écologique", plaide le député.
"Ce que nous construisons ici, c’est un modèle innovant, reproductible dans d’autres régions isolées du globe."


♻️ L’Ouest guyanais en route vers une transition écologique territoriale

En combinant innovation, adaptation et intelligence du terrain, la CCOG ouvre une nouvelle voie dans la gestion des déchets. Avec une déchèterie mobile déjà en activité, des solutions fluviales à l’étude et une ambition législative portée au niveau national, l’Ouest guyanais affirme son rôle de territoire pilote.

Le fleuve, longtemps perçu comme un obstacle, pourrait ainsi devenir l’axe structurant d’un service public durable et inclusif.


📌 À retenir :

  • ✅ Déchèterie mobile Colibri en circulation depuis mai 2025.

  • ✅ Projet de déchèterie fluviale 2.0 à l’étude.

  • ✅ Proposition de loi en cours sur l’adaptation ultramarine du cadre réglementaire.

  • ✅ Un modèle reproductible dans d’autres zones enclavées.


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